Le projet de troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis est mort : le gouvernement caquiste présentera jeudi une nouvelle version du projet de tunnel fluvial voué exclusivement au transport collectif.
L’équipe de François Legault a décidé d’abandonner le projet d’autoroute sous le fleuve après avoir pris connaissance des études sur le projet, a confirmé mardi soir le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault. « Les études nous démontrent clairement que la nécessité n’est pas là pour un lien routier, notamment parce que les débits journaliers ont diminué. Il y a moins de gens qui passent sur les ponts matin et soir, les habitudes ont changé. Ils étalent leurs déplacements dans la journée », a indiqué l’attaché de presse de la ministre, Maxime Roy.
L’idée d’un tunnel destiné au transport en commun sera toutefois encore présente dans la prochaine version du plan.
La nouvelle, d’abord ébruitée par le Journal de Québec mardi après-midi, a laissé muet Gilles Lehouillier, maire de Lévis et grand supporteur d’un troisième lien autoroutier entre Chaudière-Appalaches et la capitale nationale.
Ça fait cinq ans que la Coalition avenir Québec niaise les gens de Québec. Aujourd’hui, on voit ce que vaut réellement la parole de François Legault.
Le maire de Québec, Bruno Marchand, a dit s’abstenir de commenter le dossier avant l’annonce officielle de jeudi. À l’instar de son prédécesseur, Régis Labeaume, M. Marchand n’a jamais fait partie des partisans du projet autoroutier, qui devait déboucher à proximité du quartier Saint-Roch.
La Coalition avenir Québec défendait le projet de troisième lien bec et ongles depuis près d’une décennie, bien que la plupart des experts dans le domaine des transports et de l’urbanisme soutenaient qu’il s’agissait d’un projet qui ne réduirait en rien la congestion automobile dans la région de la capitale.
Dix ans à promouvoir le projet
L’idée d’un tunnel voué au transport en commun reliant les centres-villes de Québec et de Lévis figure toujours dans les plans, insiste M. Roy, s’abstenant toutefois de préciser le « mode de transport » retenu : tramways, métrobus, SRB ou autre.
Chose certaine, le retrait de la portion autoroutière du projet tirera vers le bas la facture… et pourrait même convaincre le gouvernement fédéral de payer une partie de la note.
Le gouvernement de la CAQ souhaite favoriser « un transfert modal », soit convaincre davantage de gens de délaisser leur voiture au profit de l’autobus ou d’un éventuel tramway. « En ce moment, on est loin de Montréal en matière de transport en commun », note M. Roy, déplorant les longs parcours que doivent emprunter les Lévisiens pour se rendre sur le campus de l’Université de Laval, dans l’arrondissement de Sainte-Foy, par exemple.
Lorsque Le Devoir lui a fait remarquer qu’un tunnel voué au transport en commun ressemblait à ce que le Parti québécois et Québec solidaire préconisaient, il a rétorqué que « le gros bon sens » commandait ce changement de cap. « On aime ça dire qu’on est un parti pragmatique et non dogmatique, et on va en faire la preuve jeudi. »
Évoquée de temps à autre depuis les années 1960, l’idée d’un troisième lien entre Québec et Lévis avait été relancée par la Chambre de commerce de Lévis lors de la campagne électorale de 2014.
La CAQ s’était vite ralliée à l’idée. Le député de La Peltrie, Éric Caire, avait même promis de démissionner si la construction du projet n’était pas lancée durant le premier mandat caquiste (2018-2022). Le troisième lien était aussi devenu le sujet fétiche de plusieurs animateurs de radio privée de la capitale, notamment sur les ondes de CHOI Radio X et du FM93.
Des études attendues depuis longtemps
Au départ, les partisans du projet souhaitaient toutefois que le projet soit développé à l’est de Québec, à la hauteur de l’arrondissement de Beauport et de la municipalité de Beaumont, près de Lévis. Il avait aussi été question de faire passer l’autoroute par l’île d’Orléans. Puis, en 2020, le gouvernement de la CAQ avait corrigé le tir et proposé qu’on creuse plutôt le fleuve entre les deux centres-villes.
En campagne électorale l’automne dernier, le parti de François Legault s’était engagé à rendre publiques aussi tôt que possible les études sur l’achalandage que Québec avait commandées sur le troisième lien, mais ces dernières se faisaient attendre. Interrogé au Parlement à la fin mars sur les chances que le tunnel voie le jour, le premier ministre François Legault avait de nouveau laissé planer le doute. « Écoutez, on va regarder l’étude d’achalandage, puis on va vous revenir avec des données », avait-il laissé tomber.
Relancé sur la possibilité que le troisième lien ne soit employé que par du transport collectif, comme le proposait le PQ en campagne électorale, M. Legault avait alors dit qu’il attendrait la publication des études.
Durant la campagne électorale, le premier ministre avait pourtant insisté : « Pour moi, c’est très clair, on va aller de l’avant [avec le troisième lien]. » À l’instar de M. Lehouillier, le chef caquiste tablait alors sur une croissance démographique importante dans les prochaines décennies pour justifier le projet, même si les projections de l’Institut de la statistique du Québec ne lui donnaient pas raison.
De son côté, son candidat dans Lévis, Bernard Drainville, avait repoussé les questions sur le coût environnemental d’un troisième lien autoroutier. « Ce sont des véhicules électriques qui vont le prendre, de plus en plus [le tunnel]. Fait que lâchez-moi avec les GES ! » avait-il dit lors d’une conférence de presse sur les rives du fleuve Saint-Laurent.
Une « bonne nouvelle » aux yeux de plusieurs
Les partis d’opposition à l’Assemblée nationale ont vivement réagi à la nouvelle mardi. « Ça fait cinq ans que la CAQ niaise les gens de Québec. Aujourd’hui, on voit ce que vaut réellement la parole de François Legault », a écrit sur Twitter le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay.
Pour sa part, le député solidaire Étienne Grandmont s’est réjoui d’une « excellente » nouvelle pour les gens de la région et de l’ensemble du Québec. « Pour la suite, on va juger l’arbre à ses fruits. La région de la capitale mérite un projet de transport collectif qui répond aux besoins et qui est appuyé par les experts », a-t-il ajouté.
En entrevue avec Le Devoir, le député péquiste Joël Arseneau a souligné que l’abandon du lien autoroutier est une « bonne nouvelle ». Cela s’apparente à « ce que le PQ avait proposé comme engagement pour la région de Québec durant la dernière campagne électorale », a-t-il souligné.
Quant au chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, il a affirmé sur Facebook que le gouvernement Legault venait de « trahir la confiance » des gens de Québec. « Élus sur des mensonges, combien de députés caquistes de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches vont maintenant quitter le caucus ? » a-t-il questionné.
De leur côté, les mairesses de Montréal et de Sherbrooke, Valérie Plante et Évelyne Beaudin, ont salué l’abandon de l’idée d’un tunnel autoroutier. « Un troisième lien entièrement dédié au transport collectif, c’est le signe que les temps changent. Maintenant, aux quatre coins du Québec, il faut commencer à penser notre mobilité autrement », a écrit Mme Beaudin sur Twitter mardi soir.
La coalition Non au troisième lien, qui regroupe des organisations environnementales comme Équiterre, la Fondation David Suzuki, Trajectoire Québec et Vivre en Ville, a, quant à elle, souligné « une grande victoire pour la mobilisation de la population ».
Avec Alexandre Shields
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La CAQ abandonne les voitures dans son projet de troisième lien - Le Devoir
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