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Friday, April 22, 2022

Quelle est votre empreinte carbone en voyageant en avion ou en voiture? - Radio-Canada.ca

Un avion se pose aux Îles-de-la-Madeleine.

Les appareils de petite taille, qui effectuent des trajets domestiques, ont un bilan carbone par passager plus élevé que ceux qui franchissent des distances allant jusqu’à 3600 km (archives).

Photo : Radio-Canada / William Bastille-Denis

Avec le désir du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) d’encourager les particuliers à prendre l’avion pour visiter les régions du Québec, la question du coût environnemental du transport aérien vient à l’esprit de nombreux citoyens. Mais quelle est la quantité réelle des gaz à effets de serre d’un trajet en avion, comparativement à celle d'un trajet en voiture?

C’est connu, le bilan environnemental du transport aérien est peu reluisant, pour reprendre les mots du scientifique en chef du Québec (Nouvelle fenêtre), Rémi Quirion. Selon les chiffres de 2019, cette industrie était responsable de 2,5 % des émissions de gaz à effet de serre sur la planète.

Plusieurs voyageurs vivent maintenant avec une « honte de prendre l’avion », et choisissent d’éviter le transport aérien. Pour cause, prendre l’avion est présenté comme l’un des gestes individuels les plus polluants. Un seul vol transatlantique aller-retour émet environ 1,6 tonne de CO2. En comparaison, un Québécois produit en moyenne 9,6 tonnes de CO2 par an, rappelle M. Quirion.

Qu’en est-il des liaisons interrégionales? La réponse, qui dépend de plusieurs facteurs, pourrait vous surprendre, surtout si on s’intéresse aux déplacements potentiels d’une personne voyageant seule.

L’utilisation d’un avion de 40 à 50 places a, de façon générale, le même coût environnemental qu’un trajet dans une petite voiture, affirme Claude Villeneuve, professeur titulaire au département des sciences fondamentales à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et directeur de la chaire en éco-conseil.

« Pour un trajet qui serait de moins de 1000 km, les vols ont une empreinte carbone par kilomètre passager qui est équivalente à celle d’une voiture compacte, avec une personne à bord. »

— Une citation de  Claude Villeneuve, professeur titulaire au département des sciences fondamentales à l’UQAC

Réglons donc tout de suite une chose : sur le plan environnemental, une famille ou même un couple en voyage aura toujours avantage à se déplacer en voiture, plutôt qu’en avion.

La route se dresse au loin au-dessus d'une paroi rocheuse.

La route 138 vue de la Baie Saint-Pancrace (archives)

Photo : Radio-Canada / Benoît Jobin

Claude Villeneuve dirige Carbone boréal (Nouvelle fenêtre), un outil de recherche et de calcul de l’empreinte carbone qui offre un programme de compensations depuis 2008, et avec lequel nous avons pu estimer l’émission de CO2 de trajets effectués en avion et en voiture.

Vous trouverez ci-dessous des exemples de trajets effectués en avion ou à bord d'une voiture consommant 8,6 L/100 km. L'empreinte carbone serait évidemment moindre dans le cas d'une voiture hybride ou électrique, comme le démontre bien Carbone Boréal.

Plusieurs aspects sont à tenir en compte pour avoir un aperçu représentatif de son coût environnemental lors d’un déplacement en avion. Par exemple, une place en classe affaires ou en première classe aura une empreinte carbone de près du double de celle d’un siège en classe économique, tout simplement pour l’espace occupé dans l’avion.

Pour le trajet Sept-Îles-Montréal aller-retour, une voiture consommant 8,6 L/100 km émet 0,10 tonne équivalent CO2 de plus qu'une personne prenant l'avion.

L'outil Carbone Boréal permet d'évaluer les émissions en carbone de différents modes de transport. Dans ce cas-ci, on compare l'empreinte d'une voiture consommant 8,6 L/100 km et celle d'un passager dans un avion à trajet court, en classe économique.

Photo : Radio-Canada

Aussi, les appareils de petite taille, qui effectuent des trajets domestiques (jusqu’à 463 km), ont un bilan carbone par passager plus élevé que ceux qui franchissent des distances allant jusqu’à 3600 km. Plus l’avion est petit, plus il consomme relativement au nombre de passagers transportés. Le système est moins efficace, explique Claude Villeneuve.

L’outil de Carbone Boréal calcule l’empreinte carbone d’un vol d’avion par personne selon des occupations moyennes. En principe, plus l’avion est plein, moins l’empreinte est grande sur un kilomètre-passager, mais on calcule en fonction de l’occupation réaliste. Ça peut être 60 ou 70 % de l’avion.

« C’est des moyennes, parce que pour un avion qui est plein comme un œuf, des fois, il y a un avion avec quatre pingouins à bord. »

— Une citation de  Claude Villeneuve, professeur titulaire au département des sciences fondamentales à l’UQAC
Un vol entre Mont-Joli et Montréal demande une escale à Québec, ce qui peut faire grimper les émissions de gaz à effet de serre.

Dans nos calculs, nous avons considéré que les plus petits avions étaient employés pour les distances en deçà de 463 km, mais recourir à de plus grands avions pour les mêmes distances pourrait faire baisser le bilan carbone du trajet, s'ils sont suffisamment occupés.

Photo : Radio-Canada

M. Villeneuve ajoute que d’augmenter l’occupation des appareils qui volent déjà peut être plus bénéfique que d’avoir plus de voitures sur la route.

Or, si les véhicules utilisés sur la route sont des véhicules utilitaires sport (VUS), des minifourgonnettes, des camionnettes ou encore, des campeurs, la comparaison est d’autant plus frappante.

Si quelqu’un fait l’aller-retour Mont-Joli–Sept-Îles en large camionnette, consommant 13,5 L/100 km, au lieu d’une voiture à consommation intermédiaire (8,6 L/100 km), l’empreinte carbone passera de 0,10 tonne équivalent CO2 à 0,14 tonne. En avion, l’émission pour une personne seule est de 0,15 t éq. CO2 pour le même trajet.

Pour un trajet de 448 km, un passager en avion aura une empreinte carbone de 0,15 tonne équivalent CO2 et une voiture, 0,10 tonne.

Ces données comparent une voiture consommant en moyenne 8,6 L/100 km et un passager en classe économique dans un avion qui effectue des trajets domestiques.

Photo : Radio-Canada

L’avion a certes l’avantage de voyager généralement en ligne droite, mais le professeur Claude Villeneuve souligne que le nombre d’escales est une donnée très importante, parce que le décollage d’un avion représente près du quart de l’émission totale de CO2 d’un trajet.

Dans le cas du transport régional, un des énormes problèmes de l’empreinte carbone, c’est qu’il faut faire beaucoup plus de kilomètres, parce qu’il faut arrêter et redécoller à différents endroits et que chaque décollage représente peut-être 25 % de l’empreinte carbone, observe-t-il.

Par exemple, une personne qui veut prendre l’avion ces jours-ci entre Mont-Joli et les Îles-de-la-Madeleine devra faire une escale à Québec, et une escale à Gaspé. L’empreinte carbone de ce trajet en avion représente au moins 0,57 tonne équivalent CO2 par personne, soit deux fois plus que pour un trajet en voiture.

Le vol a une émission de 0,16 tonne équivalent CO2 par personne et un trajet routier, 0,18 tonne par véhicule.

Un vol et un trajet en petite voiture entre Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine ont presque la même empreinte carbone, pour une personne voyageant seule.

Photo : Radio-Canada

Pour de plus petites distances comme un trajet Québec–Montréal, M. Villeneuve est catégorique : C’est un peu ridicule de prendre l’avion pour faire Québec–Montréal, parce qu’il faut que vous preniez quand même un transport pour vous rendre à l'aéroport, et un autre pour vous rendre en ville une fois arrivé à destination.

Pour ce qui est du choix de prendre l’autocar, lorsqu’on en a la possibilité, son empreinte écologique est relativement basse, et même plus basse que les trains, qui marchent au diesel ici, indique-t-il. Il suffit que l’autocar soit rempli à la moitié de sa capacité.

La mobilité, c’est le gros enjeu climatique quand on parle de tourisme, y compris le tourisme d’affaires ou le voyage d’affaires, affirme le professeur.

Claude Villeneuve.

Le directeur de Carbone Boréal, Claude Villeneuve (archives)

Photo : Laurie Gobeil

Selon lui, le transport représente entre 45 et 95 % de l’empreinte carbone d’un voyage. Mais il est parfois difficile de se rendre à destination sans avion, si ce n’est que pour profiter d’une destination un minimum de temps. Le transport aérien rend des choses possibles, plaide-t-il.

Mais pour le professeur en sciences fondamentales, il est bon de s’interroger sur la nécessité de prendre l’avion. Outre le tourisme, d’autres situations peuvent le justifier.

Si vous avez besoin de vous faire soigner à Montréal, un bon service aérien, ça peut être un besoin qui justifie les émissions. Quand les émissions sont justifiées, qu’on [s'est] questionné [sur] le besoin, il reste toujours la possibilité de faire la compensation, conclut Claude Villeneuve.

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