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Friday, November 17, 2023

Le symbole de la voiture confronté à la réalité du transport en commun - Le Devoir

Les tarifs du transport en commun dans les villes de Montréal et de Québec ont soulevé plusieurs critiques dans les dernières années. Or, ceux-ci ont augmenté à un rythme généralement inférieur à celui de l’inflation, tandis que les frais reliés à l’usage de la voiture ont bondi depuis le début de la pandémie, sans soulever la même indignation populaire. Pourquoi ? Des experts font le point.

Les tarifs de la Société de transport de Montréal (STM) ont augmenté en moyenne de 2,63 % entre 2018 et 2023, selon les calculs du Devoir, soit à un rythme inférieur à celui de l’indice des prix à la consommation (IPC), qui a crû en moyenne de 3,43 % au Québec pendant cette période. Le tarif mensuel du Réseau de transport de la Capitale, à Québec, a pour sa part augmenté de 0,68 % en moyenne entre 2019 et 2022.

À l’inverse, pendant cette période, les frais associés à l’usage de la voiture, que ce soit le prix d’achat des véhicules, des primes d’assurance automobile et du prix du litre d’essence ont connu un bond important. L’Institut de la statistique du Québec estimait ainsi qu’en 2019, chaque ménage dépensait en moyenne 9500 $ en transport privé. Le transport public, pendant ce temps, demandait un coût annuel 10 fois moins élevé à ses usagers – soit 982 $, en moyenne, par année.


 

Or, cette facture salée n’a pas empêché le parc automobile de continuer à croître au Québec, au profit de camions légers de plus en plus dispendieux.

« Les coûts associés à la voiture, ça représente, chaque mois, le deuxième poste de dépenses des ménages », explique Owen Waygood, professeur titulaire à Polytechnique Montréal. Seul le logement représente un coût plus important dans le portefeuille des Québécois. Conclusion : la famille moyenne consacre plus d’argent pour se déplacer en auto que pour se nourrir.

La possession d’une voiture échappe souvent à toute rationalité économique, croit le spécialiste détenteur d’un doctorat en comportement des transports obtenu à l’Université de Kyoto en 2009. « En transport en commun, c’est possible de connaître le prix exact de ses déplacements : l’abonnement coûte tel montant fixe, le passage coûte, généralement, environ 3 $, ajoute Owen Waygood. C’est ainsi plus facile de le critiquer. »

« Avec l’automobile, c’est plus compliqué et les gens réduisent souvent les frais associés à leur voiture au prix de leur plein d’essence. Pourtant, le prix annuel moyen associé à l’automobile atteint 9500 $ et un ménage effectue normalement entre deux et trois déplacements par jour. Si nous faisons un petit calcul, ça veut dire que chaque déplacement en auto coûte environ 9 $. »

Garage, changements de pneu, vignettes de stationnement, essence, immatriculation, permis de conduire, contraventions : la voiture impose des dépenses qui deviennent vite un boulet financier pour les automobilistes. Pourquoi, alors, s’entêter à s’en procurer ?

« Nous oublions les coûts qui ne sont pas récurrents, souligne le professeur Waygood. C’est pour ça que la seule réaction que nous voyons de la part des automobilistes face à la hausse généralisée des prix, c’est quand elle concerne le litre d’essence. »

Des tarifs « politiques »

Pendant ce temps, l’Autorité régionale de transport métropolitain a dû justifier sa décision d’augmenter cet été de 3 % en moyenne les tarifs en vigueur dans la région de Montréal, même si celle-ci est nettement inférieure au niveau d’inflation dans la province. Un exemple parmi d’autres qui montre que les Québécois sont plus enclins à critiquer les coûts reliés à l’usage du transport en commun qu’à celui de la voiture, relèvent les experts joints par Le Devoir.

« Il y a des enjeux importants là-dedans qui s’expliquent par le fait que les tarifs du transport en commun sont politiques alors que ceux reliés à la voiture sont reliés aux conditions du marché privé », souligne le professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal Jean-Philippe Meloche. Celui-ci constate que les citoyens ne peuvent influencer le prix de vente des véhicules, par exemple. Ils peuvent néanmoins faire pression sur le milieu politique pour réclamer des hausses tarifaires moins élevées pour le transport en commun, ce qui les incite à critiquer celles-ci davantage.

Dans ce contexte, « la première chose qu’on devrait faire selon moi, c’est d’automatiser l’augmentation des tarifs [du transport en commun] en fonction de la hausse du taux d’inflation », estime Pierre Barrieau, chargé de cours à l’Université de Montréal et expert en planification des transports. « Dans plusieurs pays, si les coûts du transport en commun augmentent, la tarification augmente dans la même mesure », sans donner l’impression, comme ici, d’une « prise de position politique », note également M. Meloche.

Ce dernier constate d’ailleurs qu’actuellement, aucune réglementation n’oblige les sociétés de transport en commun à aller chercher un pourcentage précis de leurs revenus par le biais des tarifs imposés aux usagers. Or, si la part du financement du transport en commun devant provenir des villes, de Québec et des usagers avait été clairement définie avant la pandémie, sous la forme d’un « pacte social », il aurait été plus simple de limiter les dégâts qu’a causés la pandémie sur la situation financière et l’offre de service des sociétés de transport, estime le professeur.

On aurait ainsi pu éviter les décisions prises par plusieurs sociétés de transport qui ont notamment réduit la fréquence de certaines de leurs lignes d’autobus depuis le début de la pandémie. Or, « l’une des critiques qu’on entend aussi des citoyens, c’est que les sociétés de transport augmentent les prix et baissent les services. Et ça, ce n’est pas faux », lance M. Barrieau. Selon lui, « si le service n’était pas réduit, peut-être qu’il n’y aurait pas de critiques » en lien avec la croissance des tarifs de transport en commun.

Du bitume qui coûte cher

 

Les critiques ont d’autre part fusé dans les dernières années quant à l’augmentation des coûts de plusieurs projets de transport en commun, comme le prolongement de la ligne bleue du métro, le Réseau express métropolitain ainsi que le projet de tramway de Québec, cher au maire Bruno Marchand.

Tous ces dépassements de coûts ont été largement médiatisés, tandis que la facture de plusieurs projets routiers a explosé sans faire grand bruit dans les dernières années. Le gouvernement du Québec prévoit par exemple dépenser plus de 899 millions pour concrétiser le prolongement de l’autoroute 19 entre Laval et Bois-des-Filion. Il s’agit d’une somme 50 % plus élevée que celle qui avait été évoquée en 2014 pour ce projet routier, qui a accusé de nombreux retards au fil des années.

À Lévis, l’élargissement d’un boulevard sur trois kilomètres pour faciliter la circulation des autobus et des automobiles accuse aussi un important dépassement de coût. D’abord estimé à 88 millions de dollars en 2019, le chantier a vu sa facture bondir à 112,4 millions de dollars en 2022. À cette première hausse, largement attribuable à l’ajout de pistes cyclables et à l’enfouissement des fils, succéda une deuxième : en mai dernier, la facture atteignait 149 millions de dollars, soit une augmentation de 69 % – et deux ans de retard sur la livraison du boulevard élargi.

« Le coût des infrastructures de transport, il est important. Mais pourquoi lorsque ça touche les routes, on ne s’en impressionne pas ? », questionne ainsi la directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon.

Pour Owen Waygood, de Polytechnique Montréal, la sémantique influence aussi notre perception des dépassements de coût. « Quand nous élargissons une autoroute, personne n’associe ça à une subvention accordée à l’automobile : c’est un investissement. Lorsqu’il s’agit de financer le transport collectif, par contre, c’est toujours présenté en termes de subvention. »

Une perception qui ne tient pas compte de l’ensemble des bénéfices indirects du transport en commun sur la réduction de la congestion routière et des gaz à effet de serre, estime Mme Doyon. « Chaque fois qu’une personne choisit de ne pas prendre sa voiture et de prendre le transport collectif, ça veut dire moins de trafic, rappelle-t-elle. On n’est pas dans le trafic, on est le trafic. »

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