En 2035, tous les véhicules neufs vendus au Canada devront être électriques. Une douzaine d’autres pays emprunteront cette voie, entre 2025 et 2035. Un espoir législatif auquel Laurent Castaignède, ancien employé du constructeur automobile Renault devenu conseiller en impact environnemental, ne croit pas tant il repose sur des conditions incertaines (disponibilité des ressources métalliques, tensions géopolitiques possibles, reconversion de la main-d’œuvre, multiples bornes de recharge à installer).
Et si les promesses du miracle électrique n’étaient en fait que le prélude à un désastre annoncé ? interroge Laurent Castaignède, allant même jusqu’à laisser planer la possibilité d’un « electricgate », en référence au scandale du « dieselgate » qui a frappé le constructeur allemand Volkswagen. Car, selon lui, la voiture électrique est moins propre qu’elle ne le paraît.
Considérée depuis longtemps comme une solution à la pollution de l’air en ville – l’auteur nous plonge d’ailleurs dans l’histoire ancienne de sa conception –, la voiture électrique se positionne dorénavant comme une arme de lutte contre les changements climatiques. Or, bien qu’on parle d’un véhicule zéro émission lors de l’utilisation, il n’est pas sans exercer de pression sur l’environnement. Parce qu’elle nécessite en moyenne presque trois fois plus de cuivre et de manganèse que l’automobile moyenne, en plus de terres rares, de cobalt, de nickel, de lithium et de graphite, le déploiement massif de la voiture électrique mènera à une intensification de l’extraction.
Et c’est sans compter que, dans plusieurs pays, selon le mix énergétique employé, sa recharge est davantage carbonée qu’annoncé, expose l’auteur de La ruée vers la voiture électrique – Entre miracle et désastre. À noter que son analyse est surtout développée autour de l’Europe et de la France et occulte presque entièrement, malheureusement, la réalité québécoise et ses barrages hydroélectriques.
Sans remettre en cause la nécessité de l’électrification d’une partie de la mobilité routière, c’est contre la précipitation à aller vers le tout-électrique qu’il nous met en garde. Car en perpétuant le modèle économique de croissance jusqu’ici appliqué à l’automobile thermique et en poursuivant cette tendance à « l’autobésité » qui consiste à offrir des véhicules au gabarit toujours plus démesuré, « il est fortement à craindre que la voiture électrique, si elle n’est pas sérieusement domptée, ne soit le cheval de Troie d’un nouveau regain d’usage et d’emprise du système automobile et de l’extractivisme », écrit-il.
Laurent Castaignède plaide plutôt pour une électrification raisonnée qui se traduirait par une remise en question des besoins de mobilité et une organisation spatiale plus locale des activités. Bref, par une « démobilité motorisée » puisque, argue-t-il, « la première liberté automobile retrouvée, c’est celle de pouvoir s’en passer avant de décider de l’utiliser ».
Extrait
« En termes d’usage et sous couvert de “praticité accrue”, la voiture électrique menace (ou permet, selon le point de vue) de s’adresser à de multiples nouveaux utilisateurs. Au quotidien, elle décomplexe le recours à la voiture individuelle pour effectuer certains déplacements urbains, étant entendu qu’elle est présentée comme “non polluante” alors qu’elle alimente potentiellement la congestion des véhicules polluants. »
Qui est Laurent Castaignède ?
Laurent Castaignède est ingénieur diplômé de l’École centrale Paris et a travaillé pendant neuf ans chez Renault. Conférencier et conseiller en impact environnemental, fondateur du bureau d’études BCO2 Ingénierie, il est l’auteur d’Airvore ou la face obscure des transports (2018) et de La bougeotte, nouveau mal du siècle ? (2021).
La ruée vers la voiture électrique : entre miracle et désastre
Écosociété
184 pages
Écrits | Miracle ou mirage, la voiture électrique ? - La Presse
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