Dans l’atelier d’Automobiles Fréchette, à Laval, le spécialiste en esthétique Luc Despatie apporte la touche finale au nettoyage d’une Chevrolet Bolt blanche. Pour ce type de véhicule, électrique, ainsi que pour les petites voitures à faible consommation d’essence, l’engouement est particulièrement fort.
« J’ai affiché la Bolt un mardi à 19 h », raconte le propriétaire de l’entreprise, Éric Fréchette, dans son bureau avec vue sur une salle d’exposition décorée de bouquets de ballons verts. « Le lendemain matin à 4 h 30, un monsieur de Sherbrooke m’a écrit pour me dire qu’il était intéressé. On a réglé tout ça à 7 h, par téléphone. J’achète sa Tesla et il m’achète ma Bolt, qui est plus récente, mais moins chère. »
Les voitures partent vite, et les prix sont « fous », relate M. Fréchette. Le marchand de voitures d’occasion vend donc les voitures plus cher, mais délie aussi davantage les cordons de sa propre bourse pour les acquérir.
« C’est épeurant d’acheter une auto, parce que je me dis que je payais 4000 $ ou 5000 $ de moins l’année dernière pour l’équivalent. Alors, je me demande si je vais la vendre. Mais je la vends », affirme celui qui est dans les affaires depuis 22 ans, marchant dans les pas de son père, propriétaire d’un garage d’entretien mécanique dès 1959.
Selon des données de Statistique Canada, le prix d’achat des véhicules automobiles d’occasion a bondi de 24,5 % entre mars 2021 et mars 2022 au pays, contre 7 % pour les véhicules neufs. De son côté, l’Indice de prix AutoHebdo d’avril 2022 signale, au Québec, une hausse de 43 % en un an des prix des voitures d’occasion affichés sur sa très populaire plateforme de vente en ligne.
« J’ai vendu une Toyota CH-R plus cher qu’une neuve. Normalement, une auto perd de 20 % à 30 % de sa valeur la première année. Présentement, certains véhicules prennent plutôt de la valeur », constate M. Fréchette.
Dans ce contexte, le comportement des acheteurs a changé, remarque le conseiller aux ventes Vincent Philipps. « Ils comprennent la situation actuelle. Ils sont mieux préparés, ils vont moins négocier et moins prendre leur temps. Ils se soucient moins des prix et plus de la disponibilité », confie-t-il à l’entrée du garage, pendant que des clients sont sur la route en train de tester une Acura blanche.
La course aux voitures
Le marchand a ainsi connu son année la plus payante depuis qu’il est en activité. Mais c’est au prix d’efforts considérables et de nombreuses heures de travail supplémentaires pour obtenir des véhicules à vendre. Automobiles Fréchette a habituellement une quarantaine de véhicules en stock, à des prix pouvant aller de 5000 $ à 60 000 $. Mais ce nombre est descendu jusqu’à une douzaine de véhicules cette année, ce qui a inquiété le propriétaire.
« Le nerf de la guerre, c’est d’avoir du stock », déclare l’homme d’affaires, qui a réussi à remonter presque toute la pente.
Les concessionnaires, qui lui fournissaient d’ordinaire les voitures d’occasion de leurs clients, ont eu de graves problèmes d’approvisionnement en voitures neuves. Une pénurie de certains composants a notamment entravé la fabrication de nombreux modèles. Pour continuer d’avoir du stock à vendre, les concessionnaires ont alors gardé les voitures pour eux.
« Avant, 90 % de mes voitures venaient de là. Je suis tombé à 40 % », précise M. Fréchette.
Il a donc intensifié ses approches auprès des particuliers, notamment en affichant en gros, sur la devanture de son commerce : « On achète votre voiture. » Il a aussi établi un partenariat avec la nouvelle plateforme en ligne Shopicar, sur laquelle les citoyens peuvent acheter, vendre ou échanger des voitures.
Déterminer le bon prix
Dans tous les cas, l’entrepreneur doit passer une bonne partie de ses journées à évaluer le prix d’achat et de vente de nombreux véhicules. Pour s’assurer d’offrir le bon prix, M. Fréchette utilise des logiciels qui comparent la valeur des derniers véhicules vendus et à vendre par divers marchands, en fonction des modèles et du nombre de kilomètres au compteur.
« Le modèle Tesla que je viens de prendre, qui a 100 000 km, il se vend 60 000 $ avec 43 000 km. Je pense donc pouvoir la vendre un peu plus bas, soit environ 53 000 $. Je l’ai payée 49 000 $, mais j’ai environ 1500 $ de remise en état à faire. J’ai donc peut-être une marge de profit de 2500 $», calcule-t-il.
Obtenir des voitures est aussi un défi pour les plus gros joueurs. Chez Automobile en Direct, qui affiche plus de 2000 véhicules dans quatre succursales, 30 personnes travaillent à temps plein pour les trouver.
« On est plus actifs que par le passé, indique le président-directeur général, Sébastien Bisaillon. On se promène chez les concessionnaires, ce qu’on ne faisait pas avant. On s’approvisionne partout, dans d’autres provinces, dans les encans, sur diverses plateformes. »
Face à une demande plus élevée, son entreprise a réussi à acquérir assez de produits pour en vendre 18 % de plus que l’année précédente. M. Bisaillon reconnaît toutefois que les prix actuels bouleversent des certitudes. Pour fixer les prix, Automobile en Direct se fie sur la demande pour ses propres véhicules, étant donné son grand volume de ventes.
Stabilisation en vue
Les prix vont-ils continuer d’augmenter ? « On pense que ça a atteint un sommet. Ça continue légèrement de progresser, mais ça devrait s’arrêter quand même bientôt », estime le directeur général de l’Association des marchands de véhicules d’occasion du Québec, Steeve De Marchi.
Il constate que le marché du neuf redevient tranquillement accessible, certains constructeurs ayant recommencé à produire et à livrer. Bon nombre de marchands sont en train de renflouer leurs stocks, ce qui devrait contribuer à une stabilisation des prix, voire à une diminution.
En attendant, il est possible pour les acheteurs de trouver des véhicules d’occasion, mais « sûrement plus cher que ce que vous voulez et peut-être pas la couleur que vous voulez », avertit M. De Marchi.
M. Fréchette, lui, vient de partir à l’aventure en Italie. Après deux années éprouvantes, il est heureux de pouvoir prendre enfin plus d’une semaine de vacances.
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Le prix des voitures d'occasion atteint des sommets - Le Devoir
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