Pour que la voiture réellement autonome puisse voir le jour, il faudra des normes internationales. Le groupe Mercedes-Benz a donc créé un consortium appelé AI-SEE dont l’objectif sera de proposer des normes à l’Union européenne. Et c’est à la société montréalaise Algolux que revient le rôle de créer le « cerveau » de toute l’opération.
Algolux et sa centaine d’employés répartis entre Montréal, Palo Alto, en Californie, et Munich, en Allemagne, se spécialisent dans les algorithmes qui permettent à un système autonome de bien « voir » la route à partir des différents capteurs qu’il utilise (lidars, radars, sonar…), et ce, même en situation de visibilité réduite, comme en hiver, par exemple. La vingtaine de partenaires d’AI-SEE se donne trois ans pour produire un système capable de piloter sans aucune intervention humaine une voiture peu importe la saison et la météo. Dans le jargon du secteur automobile, on parle ici d’une voiture autonome de niveau 4, sur les cinq niveaux d’avancement de cette technologie.
Au niveau 5, le véhicule n’a carrément plus de volant ni de pédales. Les véhicules les plus modernes actuellement sur la route, et possédant leur propre système avancé d’aide à la conduite, ne sont pas tout à fait rendus au niveau 3, celui où on pourrait lâcher le volant sans s’inquiéter pendant plusieurs dizaines de secondes.
Malgré les promesses des nombreux grands constructeurs qui voyaient des véhicules autonomes sur la route aussi tôt qu’en 2019, la technologie tarde à réellement voir le jour. Elle est complexe, cette technologie, et ne fait pas l’unanimité. Doit-on utiliser des capteurs spécifiques ? De simples caméras ? Faudra-t-il incorporer les données fournies par le mobilier intelligent des grands centres urbains de demain ?
Une norme à définir
« Pour que la voiture autonome fonctionne, il faudra s’entendre sur une norme d’industrie », selon Allan Benchetrit, p.-d.g. d’Algolux. La technologie existe déjà, rappelle-t-il. Ce que Mercedes-Benz souhaite faire avec Algolux, c’est créer un système de niveau 4 standardisé qui évitera à tous les constructeurs de se farcir chacun de son côté toutes les étapes de la conception d’un tel système. « Il faut accélérer son développement pour qu’on puisse en venir à sa commercialisation », dit-il.
La standardisation permettra aussi à rendre les véhicules autonomes plus abordables. L’autre raison pour laquelle on en voit peu sur les routes est qu’ils coûtent actuellement très cher à produire. Si Waymo, la filiale de Google qui compte déjà sur la route quelques dizaines de fourgonnettes de marque Chrysler équipées de sa technologie de conduite autonome, devait vendre ses véhicules au public, ceux-ci coûteraient au bas mot 150 000 $, près de trois fois le prix d’une fourgonnette classique.
Très peu d’automobilistes, si ce n’est carrément aucun, paieront cette somme pour un tel véhicule. C’est pourquoi Waymo et d’autres entreprises nord-américaines spécialisées dans ce secteur, comme Cruise, une filiale du groupe General Motors, pensent que leur avenir prendra la forme d’un parc de taxis robotisés qui seront hélés par des particuliers via leur mobile, à la manière du service d’autopartage Uber, mais sans chauffeur à bord.
Des flottes de robots-taxis circulant dans certains quartiers précis de quelques grandes villes de par le monde pourraient donc être la première incarnation grand public des véhicules autonomes, croit M. Benchetrit. « Il y a une urgence de rendement du côté de ces sociétés qui laisse croire qu’on verra leur technologie de véhicules autonomes sur les routes très bientôt. »
En navette !
Les robots-taxis ne seront qu’un exemple d’application de la technologie, selon Algolux. La PME montréalaise est particulièrement bien placée pour comparer les différentes applications que l’industrie souhaite faire de la technologie. Elle est la seule société nord-américaine à participer au consortium AI-SEE. Ironiquement, l’entreprise montréalaise existe grâce à un financement auquel a participé deux fois le groupe General Motors. Son bureau européen a été installé à Munich dans l’espoir de se rapprocher du constructeur bavarois BMW. Et en fin de compte, l’experte en intelligence artificielle et en vision par ordinateur appliquée au secteur automobile sera partenaire de Mercedes-Benz.
La marque allemande appartient à un groupe appelé Daimler, qui fabrique également des camions lourds. C’est de ce côté qu’on verra probablement une première véritable utilisation généralisée du pilotage sans conducteur, croit Allan Benchetrit. « Le discours à propos de la technologie a beaucoup évolué depuis quelques années, pour se concentrer davantage sur l’aspect sécuritaire », dit-il. On voit son potentiel du côté des véhicules commerciaux et du transport collectif qui sont sur la route plusieurs heures par jour, tous les jours, pour réduire la charge de travail des camionneurs.
Les navettes qui parcourent sans cesse le même trajet, comme des autobus qui font le lien entre les hôtels et les gares de train, d’autobus ou les aéroports, sont dans la mire des constructeurs. Ceux-ci prédisent l’arrivée de navettes de niveau 4 sur la route avant la fin de la décennie. Peut-être même aussi tôt qu’en 2024 ou 2025. C’est en tout cas l’échéance que se fixe AI-SEE.
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Un cerveau montréalais pour la voiture autonome de Mercedes-Benz - Le Devoir
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